BURKINA FASO : «On nous a fait coucher, sur le dos, au-dessus d’un feu de bois…» Hamidou Ilboudo

De la barbarie des massacres du 15 octobre 1987 et post 15 octobre en passant par la cruauté dans l’extermination de Norbert Zongo et ses compagnons il est clair pour tout observateur objectif que le clan Compaoré est prêt à tout pour conserver son pouvoir ramassé dans le sang. Hamidou Ilboudo codétenu de David Ouédraogo et cuisinier au service de François Compaoré doit sa survie à la Commission d’enquête indépendante qui enquêtait sur l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons. Jeté en prison après plusieurs jours de torture, Hamidou s’en tirera marqué à vie des séquelles psychologiques et corporelles de torture sur le corps et notamment dans le dos. C’est cette commission qui va lever le voile sur cette affaire sur laquelle enquêtait Norbert Zongo et certainement celle qui lui a valu d’être assassiné et brûlé avec quatre de ses compagnons en 1998.

Le dos d'Hamidou Ilboudo, codétenu de David Ouédraogo et cuisinier de François Compaoré, frère cadet du président du Faso

Le dos d’Hamidou Ilboudo, codétenu de David Ouédraogo et cuisinier de François Compaoré, frère cadet du président du Faso

Rappelons que Hamidou Ilboudo et ses codétenus seront confiés au régiment de sécurité présidentielle suite à une prétendue histoire de vol d’une forte somme d’argent au préjudice de l’épouse de François Compaoré. Marcel Kafando, membre du régiment de sécurité présidentielle, confirmera cela devant la commission d’enquête: « J’ai été saisi par François Compaoré du vol d’argent, le jour même. » (p.v n° 99-060 du 16/03/99)
Dans quel pays au monde où une affaire de vol se règle-t-elle au niveau de la garde présidentielle ? Dans quelle démocratie au monde où peut-on tolérer que des hommes affectés à la sécurité du président de la république se livrent impunément à des actes de torture et d’assassinat d’autres citoyens? Norbert Zongo va s’élever dans plusieurs de ses écrits contre cet état de fait. Dans le n°229 de L’Indépendant du 13 janvier 1998, il écrit : « Nous ne cherchons pas à savoir s’il y a eu un vol, cela ne nous regarde pas. Ce qui nous préoccupe, c’est l’incarcération des suspects au conseil (…) nous sommes dans un Etat de droit paraît-il. Le Conseil (Quartier Général du R.S.P), jusqu’à preuve du contraire, n’est ni une brigade de gendarmerie, ni un commissariat de police. Qui conduit les enquêtes sur ce vol en ces lieux ? Comment le fait-il ? Où a-t-on gardé les présumés coupables ? ».
En son temps, la commission d’enquête indépendante était arrivée à prouver que le sort de David Ouédraogo et de ses camarades était connu de tous, Blaise Compaoré lui-même y compris.
Le chef d’état-major particulier de la Présidence du Faso, en charge du R.S.P, le Général Gilbert Diendéré, Lieutenant-colonel au moment des faits, explique devant la commission: « Je n’ai pas été informé le jour de l’interpellation de David Ouédraogo et de ses compagnons. J’ai été informé deux ou trois jours plus tard », avant d’ajouter : « J’ai rendu compte au Chef de l’Etat, Blaise Compaoré de la présence de David Ouédraogo et de ses compagnons dans les locaux de la caserne. » (p.v. n°105 du 01/04/1999). S’agissant du décès de David Ouédraogo, survenu le 18 janvier 1998 dans les locaux de l’infirmerie de la Présidence du Faso, le Général Diendéré précisera : « Je pense que le compte rendu du décès (…) a dû être fait au Chef de l’Etat avant moi, puisque c’est son aide du camp qui m’en a rendu compte et qu’au moment des faits, je n’étais pas présent à Ouagadougou. » (P.V. n°99-105 du 01/04/1999)
D’autres personnalités comme Larba Yarga, ministre de la Justice au moment des faits, précise à la commission  » j’ai demandé qu’une copie du procès-verbal (de gendarmerie relatif à une affaire de vol d’argent et de sécurité d’Etat impliquant David Ouédraogo) soit communiqué au Chef de l’Etat, copie que j’ai personnellement transmise au Chef de l’Etat, main à main. » (p.v. n°99-142 du 11/04/1999)
Le récit de leurs supplices aux mains des militaires de la garde présidentielle rapporté par Hamidou et Adama fait froid dans le dos. On aurait dit que même Hitler n’aurait pas fait mieux. Quelle cruauté !

Récit des survivants

Hamidou ILBOUDO raconte à la commission comment ils ont été torturés: « David et moi avons été conduits le 5 ou le 6 décembre 1997 vers 15 h 30 – 16 heures sur la route de Ouahigouya par un groupe de six ou huit militaires du Conseil et avons été frappés puis brûlés. On a d’abord allumé un feu de paille autour de nous à savoir Bruno, Adama et moi qui nous a brûlé les pieds. Ensuite on nous a fait coucher David et moi, sur le dos, au-dessus d’un feu de bois, pieds et bras préalablement attachés. Je me rappelle qu’il y avait les nommés Edmond et Yaro parmi les militaires qui m’ont brûlé. » (p.v. n° 99-81 du 24/03/99)
Adama Tiendrebeogo à son tour : « Au Conseil nous avons beaucoup souffert. Le premier jour, nous avons été amenés nuitamment hors de la ville, où Hamidou et moi avons été battus à l’aide de ceinturons par trois militaires. Ensuite, ils nous ont ordonné de nous fouetter à l’aide de branchages. Une deuxième fois, nous avons encore été amenés nuitamment hors de la ville, les yeux bandés et on nous a fait creuser une tombe. On m’a passé une corde au cou et on a tiré dessus. Au Conseil, les tortures étaient quotidiennes. Nous étions frappés et on nous faisait subir toutes sortes de « manœuvres » militaires. Une autre fois, nous avons été amenés hors de la ville tous les quatre par un groupe de militaires. Après nous avoir regroupés Hamidou, Bruno et moi, nous avons été entourés avec de la paille sèche à laquelle on a mis du feu et il nous était interdit d’en sortir. David, lui, avait été amené à l’écart et après lui avoir attaché les pieds et les mains, les militaires lui passaient les flammes sur le corps. Hamidou également a été brûlé seul. » (p.v. n° 99-82 du 24/03/99)
Mais au décès de David Ouédraogo suite à ses « manœuvres » comme le considéraient leurs geôliers, les vraies causes de sa mort ne seront pas reconnues et mentionnées sur son certificat de décès. En effet, le lieutenant-colonel Nazinigouba Ouédraogo médecin-chef de l’infirmerie de la présidence, malgré son serment d’Hippocrate, a écrit sur le certificat de décès, que David Ouédraogo » est décédé le 18 janvier 1998 à 06 h 50 de sa maladie. » Convoqué par la Commission pour de plus amples informations, le lieutenant-colonel Ouédraogo a préféré se retrancher derrière le secret médical.

Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso depuis 1987

Blaise Compaoré, Président du Faso depuis 1987

Aujourd’hui après tout ce que nous savons d’aucuns voudraient que l’on continue à croire en la bonne foi du président Compaoré et de son frère, François. Blaise Compaoré a perdu toute crédibilité à nos yeux depuis le 15 octobre 1987 lors qu’il a trahi et fait massacrer Thomas Sankara et ses collaborateurs. Blaise Compaoré n’inspire plus confiance lorsque deux ans après l’assassinat de Sankara, en 1989 il fera fusiller le Commandant Henri Zongo et le Capitaine Jean-Baptiste Lingani sous le prétexte fallacieux de tentative de coup d’état. Au final, des quatre révolutionnaires du 4 août 1983, il a éliminé physiquement les trois autres (Thomas Sankara en 1987, Henri Zongo et Jean-Baptiste Lingani en 1989). Tout récemment on a retrouvé le corps sans vie d’un juge constitutionnel, Salifou Nébié, dont les proches disent qu’il était contre le référendum et qu’il aurait eu à ce sujet un différend avec le « président ».Tout cela indique jusqu’à où le clan Compaoré est prêt à aller pour conserver son pouvoir pour continuer à en jouir impunément. Que le peuple burkinabé ne se fasse pas d’illusion, Blaise Compaoré est loin d’être un homme qui respecte les lois de la république. Il a ses propres lois.

Source: Rapport d’enquête de la Commission d’enquête indépendante

Pensée Du Jour

Le pouvoir n’est pas un moyen, il est une fin. (…) La persécution a pour objet la persécution. La torture a pour objet la torture. Le pouvoir a pour objet le pouvoir. Extrait de 1984 de George Orwell

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4 commentaires pour BURKINA FASO : «On nous a fait coucher, sur le dos, au-dessus d’un feu de bois…» Hamidou Ilboudo

  1. JOB dit :

    Il faut absolument punir sauvagement les auteurs et les complices de ces assassinats! Il faut cependant que la justice mette la main sur Francois Compaore afin qu’il s’explique sur ces faits.Tant qu’on ne travaillera pas pour instaurer un veritable Etat democratique ou regnera a jamais la paix, l’egalite et la justice,nous reviendrons toujours sur nos pas.Que Jah guide et protege le Burkina Faso!

  2. leduc dit :

    nous devons nous lever maintenant afin que ces genres de conduite cessent dans notre pays. seule la lutte peut nous affranchir de cela. sinon, ça va se répéter, mais sous d’autres formes. vous savez, il n’y a pas une seule personne qui peut survivre à la colère du peuple. le malheur est que les peuples de l’Afrique ne sont pas totalement matures. ils ont peur dans leur écrasante majorité. c’est là que réside la force des tyrans. changeons de mentalité et engageons nous à toujours nous dresser contre les injustices. nous gagnons à coup sûr.

  3. Hinka dit :

    Il faut bien pourtant y croire. Tous ces actes ignobles ont bien été commandités et/ ou perpétrés par le clan Compaoré, Blaise et son frère François. Un homme qui se dit médiateur pour les autres pays en guerre. Il est vraiment temps que le peuple Burkinabe récupère le pouvoir et que le pays connaisse une autre ère. Tous ces crimes ne doivent pas rester impunis.

  4. Dionmian Fulbert dit :

    Je n’arrive pas à croire que ce beau avec un peuple aussi sympa puisse contenir aussi contenir des genss aussi horribles

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